La vidéoprotection dans les établissements scolaires

A l’heure où le Gouvernement encourage vivement les établissements scolaires à s’équiper d’un système de sécurité, et notamment de vidéoprotection, pour contrôler la sécurité physique des élèves et des enseignants ou prévenir les vols et autres délits notamment, les caméras se multiplient partout en France dans les écoles. Une pratique qui est loin de faire l’unanimité avec comme question de fond : s’achemine-t-on vers la fin programmée des caméras dans les écoles, collèges et lycées ?



La vidéoprotection dans les établissements scolaires
CNIL : Non, aux caméras dans les écoles !
Le développement de la vidéoprotection dans les écoles avait été initié en 2009 par Xavier Darcos et Michèle Alliot-Marie, respectivement ministres de l’Education nationale et de l’Intérieur. Mais ces systèmes n’ont pas été uniquement développés dans des établissements confrontés à la violence. Et si les établissements scolaires ont l’autorisation d’installer des caméras pour surveiller les extérieurs et les abords d’une école, il n’en est pas de même pour les dispositifs installés à l’intérieur. Dans un communiqué daté du 30 mai, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a noté que, depuis quelques mois, elle recevait un nombre croissant de plaintes d’associations, de parents d’élèves ou d’enseignants concernant l’installation de caméras au sein même d’établissements scolaires et non plus seulement sur la voie publique. “Une dizaine de plaintes ont été recensées en 2010, et tout autant en ce début d’année 2011”, indique la CNIL. Un chiffre qui devrait augmenter avec l’installation de nouveaux systèmes.

Une atteinte aux libertés des élèves et personnels
Les systèmes de vidéosurveillance mis en cause donnent lieu à une “collecte massive de données” et portent “atteinte aux libertés des élèves et personnels”. Pour cette raison, la CNIL a mis en demeure cinq établissements scolaires de retirer les caméras de surveillance qu’ils avaient installées dans leurs locaux pour atteinte aux libertés, sous peine de 150 000 euros d’amende. Cette décision qui concerne tous les établissements, de la maternelle au lycée, relance le débat en matière de vidéosurveillance.
Cette décision a valeur de jurisprudence, a affirmé la CNIL. “Dans un établissement scolaire, la sécurité des élèves doit être d’abord assurée par les surveillants et le personnel éducatif, résume Yann Padova, secrétaire
général de la CNIL. On ne peut pas dire aux enfants ‘faites attention à votre vie privée sur Internet’ et, parallèlement, les filmer en permanence quand ils sont à l’école.” Or, après des contrôles effectués sur place, la CNIL a constaté que les caméras filmaient de façon continue des lieux de vie, comme les cours de récréation, préaux, jardins, foyers des élèves… Elles permettent de fait une surveillance permanente des personnes qui s’y trouvent, qu’il s’agisse des élèves ou des enseignants, cette surveillance constitue une atteinte aux libertés de ces personnes. La CNIL considère qu’il s'agit d’une collecte excessive de données, car seules des circonstances exceptionnelles (actes de malveillance répétés) peuvent justifier la mise en place de tels dispositifs de surveillance. Elle estime que la sécurité des biens et des personnes peut être obtenue avec des moyens moins intrusifs, en sécurisant mieux les accès aux locaux, par exemple. Les établissements mis en cause ont un mois pour revoir leur dispositif, sous peine d’une amende pouvant atteindre 150 000 euros.

Rappeler les règles qui encadrent l’utilisation de caméras
Rappelons que toutes les caméras qui filment la voie publique ou des espaces ouverts au public sont soumises à autorisation préfectorale. Dans les établissements scolaires, si elles stockent des images sous forme numérique, elles relèvent de la loi informatique et libertés de 1978 modifiée en 2004, et doivent donc faire l’objet d’une déclaration à la CNIL. Le secrétaire général de la CNIL indique que “la Commission n’a pas à prendre position pour ou contre la vidéoprotection dans les établissements scolaires, mais bien de rappeler les règles qui en encadrent l’utilisation. La CNIL a également le pouvoir de vérifier si cet usage est proportionné, si les personnes concernées ont été informées et si la sécurité des données personnelles est bien garantie. Or nous n’avons quasiment pas de déclarations, ce qui n’est pas normal”, conclut Yann Padova. Il n’est pas question pour la CNIL de stigmatiser les cinq établissements mis en demeure mais d’envoyer un message pédagogique à tous les directeurs d’établissement pour qu’ils vérifient s’ils sont bien en règle.
Une exception toutefois, les établissements où règnent “un réel danger pour la sécurité des biens et des personnes” et ce dans des “zones bien définies”, précise la CNIL. Ces exceptions seront examinées “au cas par cas” et les écoles ayant reçu le feu vert de la CNIL devront “informer de façon claire les élèves, parents et enseignants de la présence de caméras dans les locaux scolaires”. A noter : l’un des cinq établissements épinglés par la CNIL est situé dans une zone rurale réputée calme…

Différents avis sur le sujet....

Eric Ciotti : “Ce ne sont pas les caméras mais la violence et la délinquance qui menacent les libertés publiques”
Eric Ciotti, président du conseil général des Alpes-Maritimes, a immédiatement réagi à la décision de la CNIL d’interdire la vidéoprotection dans cinq établissements français. Dans son département, sur les 72 collèges, 69 sont équipés de tels systèmes.
En effet, le député UMP fait partie de ceux qui ont encouragé le développement de la vidéoprotection autour des écoles, qualifiant les résultats de probants même si, dans le même temps, la FCPE (Fédération des conseils de parents d’élèves) des Alpes-Maritimes s’insurgeait contre les caméras devant les écoles. “Si les chiffres de la violence dans les collèges des Alpes-Maritimes sont en régression, c’est probablement grâce au plan d’actions sécuritaires déjà mené, se justifie Eric Ciotti. La sécurité de nos enfants n’a pas de prix, et ces chiffres suffisent à me convaincre qu’il est nécessaire d’implanter de tels systèmes autour des établissements solaires.”
Le député UMP poursuit : “Lorsque un adolescent de CM2, âgé de 11 ans, a été retrouvé pendu le 26 mai en fin de matinée par le col de son tee-shirt à un porte-manteau dans un couloir de l’école André-Benoît-Anne-Franck, à Arles, on pense que peut-être une caméra aurait permis de prévenir et d’empêcher ce drame.”



Prêt à saisir le Conseil d’Etat
En réponse à la décision de la CNIL qui est intervenue après plusieurs plaintes de parents d’élèves et d’enseignants, en raison de l’atteinte aux libertés publiques que représentent les caméras, Eric Ciotti réplique : “On ne désarme pas volontairement contre la violence, surtout à l’école. L’école doit être un sanctuaire qui préserve de la violence. Ce ne sont pas les caméras qui menacent les libertés publiques, c’est la violence et la délinquance. Il faut être pragmatique et réaliste”, poursuit le député UMP qui promet de combattre la décision de la CNIL “par tous les moyens, y compris s’il le faut, en saisissant le Conseil d’Etat”.



Jean-Patrick Courtois : “Des caméras au cas par cas”
Le sénateur-maire UMP et rapporteur de la loi Loppsi 2, Jean-Patrick Courtois, remarque que d’une façon générale “les caméras ont une utilité lorsqu’elles sont placées vers les entrées des écoles, pour empêcher des personnes indésirables de pénétrer dans les établissements. Une caméra pour voir si un enfant somnole en classe n’a aucun d’intérêt”. Comme la CNIL, le sénateur préconise plutôt d’envisager les situations au cas par cas, “une réflexion nationale étant difficile”.




Jean-Jacques Urvoas : “Les enfants ont besoin d’être encadrés par des adultes et non par des machines”

Pour le député du Finistère, secrétaire national du PS en charge de la sécurité, Jean-Jacques Urvoas, il faut vérifier le rôle des caméras. “Une caméra est un moyen et pas une fin. Filmer des enfants est malsain. Il faut s’interroger sur l’établissement concerné (maternelles, collèges…), sur l’information des maires concernés, sur les motivations à l’installation de ces caméras ?…




Les caméras sont davantage des outils d’élucidation que de prévention
Selon la CNIL, seuls les établissements où règnent “un réel danger pour la sécurité des biens et des personnes” et ce dans des “zones bien définies” pourront justifier de la mise en place de systèmes de vidéoprotection. Des conditions que tempère Jean-Jacques Urvoas : “Les caméras sont davantage des outils d’élucidation que des
outils de prévention. Si tel était le cas, les braquages dans les bijouteries ou les banques n’existeraient plus !, met en garde le député. Egalement, pour constituer une technologie utile, les caméras doivent accompagnées le travail humain et non pas le remplacer. Autrement dit, substituer les surveillants scolaires, les fameux “pions” par de la vidéosurveillance n’est pas la solution. “Les enfants scolarisés ont besoin d’être encadrés par des adultes et non par des machines. Les caméras montrent les problèmes, mais il faut du personnel pour les
solutionner”, argumente Jean-Jacques Urvoas





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Lundi 27 Juin 2011