Réglementation - Les installations de vidéoprotection nécessitant une autorisation : "la Loi est claire, c'est son application qui est plus délicate" déclare Laurent Touvet

Près de 2 000 communes ont fait le choix de s'équiper en vidéosurveillance en 2009 alors qu'elles n'étaient que 500 en 2005.
En 2010, elles devraient être encore plus nombreuses, François Fillon ayant annoncé, en octobre dernier, la forte volonté du gouvernement d' "aider les communes à déployer des systèmes de vidéoprotection". C'est la raison pour laquelle le CNFPT, le FFSU et la ville de Saint-Herblain ont décidé d'organiser, le 10 décembre dernier, une rencontre territoriale sur la vidéo protection.
Laurent Touvet, Directeur des Libertés Publiques et des Affaires Juridiques (DLPAJ), au Ministère de l'Intérieur, est intervenu sur l'approche juridique, lors de cette journée.



Le cadre juridique actuel

"Jusqu'à ce qu'elles soient votées, les prochaines lois n'existent pas encore et donc ne peuvent ni obliger, ni interdire", fait remarquer Laurent Touvet, avant de rappeler que "nous vivons sous le régime de la Loi du 21 janvier 1995, en ce qui concerne la vidéo protection. Cette loi a défini un régime juridique uniquement pour certains lieux, pour l'installation des dispositifs vidéo sur les voies publiques et sur les lieux et établissements ouverts au public. Tout ce qui est prescrit dans cette loi ne concerne que ces lieux. Dans les autres lieux, cela relève soit du régime des libertés totales, soit du Code du travail; de manière générale, il existe la protection de toute personne à son image : on ne peut pas prendre, à l'insu de quiconque, des images si la personne se trouve dans un lieu privé.
Le panorama est large, peut-être pas très précis, mais sur le domaine particulier de la voie publique et des lieux et établissements ouverts au public, ce qui intéresse le plus les communes et les maires dans leur pouvoir de police municipale, nous avons bien un cadre juridique. Essayons déjà de bien le comprendre et l'appliquer avant d'anticiper ce qui pourrait être voté dans les mois à venir."

Simplification des demandes d'autorisation

"Nous sommes dans un régime d'autorisation parce que l'installation de caméras et la diffusion d'images porte atteinte à la vie privée des personnes. Cette vie privée est un principe constitutionnel. Pour y porter atteinte, il faut qu'il y ait d'autres impératifs, également très forts et de même valeur juridique, qui puisse justifier cette atteinte. Ces impératifs sont la prévention des infractions et la recherche des auteurs. Dans ce 2e plateau de la balance qui vient équilibrer l'atteinte à la vie privée, il y a toutes les garanties que nous apportons. Ce qui nous conduit à un régime d'autorisation préfectorale, placé sous le contrôle du juge administratif avec tout un système de garantie et de contrôle. C'est dans ce cadre que, en janvier dernier, le Gouvernement a modifié la composition du dossier de demande d'autorisation pour la simplifier pour les petites installations.[...] Mais pour les communes, cela ne change pas tellement, car elles installent souvent plus de huit caméras..."

Les procédures de contrôle

"Il existe plusieurs sortes de contrôle. Vous avez le contrôle administratif du préfet qui autorise un système et qui ensuite est chargé de s'assurer du bon fonctionnement. [...] Il y a aussi les commissions départementales, présidées par un magistrat judiciaire, qui émettent un avis sur les demandes d'autorisation et remplissent une fonction de contrôle. [...] Il y a aussi le contrôle volontairement mis en place par certaines collectivités; certaines communes, les plus grandes, il est vrai, ont mis en place une Charte d'éthique avec un Comité d'éthique qui rassemble des personnalités indépendantes de l'installateur, qui apportent des expériences diverses et qui échangent pour vérifier que les conditions de fonctionnement de l'installation ne portent pas une atteinte excessive à la vie privée des personnes..."

Systématiser les Comités d'éthique?

"Ceci pourrait être une piste intéressante. Il faudrait faire remonter l'expérience des quelques collectivités qui en ont mis en place. [...] Ce qui importe est la diversité des expériences et des origines des membres de ces commissions. Il faut des responsables associatifs, éventuellement des universitaires, des praticiens, des simples citoyens peut-être... C'est de ce débat que pourront naître des préconisations pour un meilleur fonctionnement."

Les installations nécessitant une autorisation

"la Loi est claire; c'est son application qui est plus délicate. La loi place sous un régime d'autorisation les systèmes de vidéoprotection installés sur la voie publique et dans les lieux et établissements ouverts au public. En ce qui concerne les lieux et établissements ouverts au public, je reconnais que parfois il y a débat. C'est la jurisprudence qui nous l'indique et c'est en la consultant que nous pouvons essayer d'établir un catalogue des lieux soumis à autorisation.
Les entreprises et établissements scolaires ne sont pas des lieux ouverts au public.
Concernant les halls d'immeubles, je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce que j'ai entendu ce matin. On a dit : "s'il y a un digicode, c'est un lieu privé, s'il n'y en a pas, c'est un lieu ouvert au public... Le hall d'immeuble va jusqu'à la cage d'escalier et monte jusqu'au dernier étage et jusqu'à votre porte palière. Serait-ce un lieu ouvert au public? C'est un lieu privé qui appartient au propriétaire de l'immeuble ou à la copropriété.
Il y a certainement des choses qui pourraient être précisées dans la loi ou dans les décrets d'application pour affiner cette notion de lieu ouvert au public, ..., puisqu' on sent bien une propension de beaucoup d'acteurs publics à vouloir installer des caméras dans des lieux qui sont un peu à la frontière entre ouvert ou non au public."

Pour suivre l'intégralité de l'interview de Laurent Touvet, cliquez sur la vidéo.

Mardi 12 Janvier 2010
Virginie Cadieu
Virginie Cadieu


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